J’ai voulu vous partager, humblement, ma pensée par rapport aux thèmes abordés pendant notre saison sur la JUSTESSE

Nous avons ensemble exploré le développement de la conscience humaine pour réaliser qu'elle évolue par stades. Un des stades qui a précédé celui dans lequel la majorité des leaders occidentaux baignent est celui du conformisme. Nous étions, à l'époque, dans la vision du monde que nos choix devaient être dictés par une autorité extérieure à nous: nous avons créé des organisations, comme les gouvernements et les religions, en mesure d'assurer l’ordre. Il apparaissait que notre survie dépendait du respect des normes. Une façon de nous protéger les uns des autres et de nous-mêmes. On parlait davantage de justice que de justesse.

Puis, nous nous sommes sentis à l’étroit dans ces dogmes établis. Nous avons eu le goût de liberté, de plus de possibles. Nous sommes entrés dans cette soif du rêve américain, habités cette fois-ci par la croyance que notre survie, ou notre succès, dépend dorénavant de notre capacité à innover, à croître.

Nous avons créé des slogans tels que “innover ou mourir” et “grow or die”. Nos choix deviennent alors motivés par ce qui nous permet de grandir, personnellement ou professionnellement. Je choisis ce qui est bon pour moi, ma famille, ma boite - l’époque du Moi inc.

Certains d'entre nous ont commencé à ressentir la limite de ce nouveau paradigme et les conséquences douloureuses de la croissance à tout prix.
Lors d’une rencontre avec Hubert Reeves à cette époque, je l’ai d’ailleurs interpellé en lui demandant ce qu'il pense de ce fameux slogan: “ Grow or Die”... Vous savez ce qu’il m’a répondu? En riant...

C’est plutôt “Grow and die”. Il m’a aussitôt demandé pourquoi nous étions si pressés de mourir... Outch! Comme lui, je crois que la croissance peut mener au chaos.

Nous entrons alors dans un nouveau stade où nous réalisons combien le monde est complexe et que notre survie globale dépendra de notre capacité à prévoir les conséquences de nos actes grâce à des dialogues avec tous ceux concernés par nos choix, y compris la planète elle-même.

Habités par cette nouvelle conscience, il nous devient difficile de faire des choix car il nous manque toujours un élément pour trancher. Nous cherchons à tout prix des consensus et multiplions les réunions.

Nous sommes encore, à ce stade, dans une posture de survie, avec toujours un grand besoin de nous identifier pour avoir le sentiment d’exister. Après nous être identifiés à être de bons soldats, nous nous sommes valorisés à être “successful”. Et là, plus on est verts et conscients, plus on est quelqu'un de bien. On en a même vu prêts à tuer des êtres humains pour sauver des baleines.

Comment maintenant trouver le geste juste, la parole juste? Comment arriver à discerner dans un monde si complexe en sachant que nous ne pouvons en arriver à posséder toutes les données nécessaires et à éviter tous les dégâts? Eh bien, peut-être tout simplement que nous pouvons fermer les yeux et écouter de l'intérieur; pas l'intérieur du moi construit mais dans un espace d’absence d'égo. Après avoir écouté, ressenti, entendu... Après avoir été présent sur la route - ralentir, apaiser le bruit et se réfugier à l'intérieur de soi en se posant la question: “Qu'est-ce qui m'apparaît opportun à ce moment, pour le bien d'un plus grand nombre?”. Revenir à un “Je” solide mais un “Je” au service du bien commun. Un “Je” conscient des pièges de l'égo. Guidé à nouveau par une autorité, mais intérieure cette fois-ci.

Plusieurs d'entre nous ont réagi très négativement au thème sur l’autorité, qu'on a tant cherché à bannir, à fuir ou même à oublier. Je n'ai pas aidé la cause en signifiant qu’il m’apparaît que l’autorité invite à la docilité. L'autorité intérieure n'est pas enracinée dans le moi mais dans le soi, qui est lui-même relié au tout. Je m'incline donc avec docilité devant ce qui monte comme étant la bonne chose à faire. Une réponse qui parfois me dépasse car elle ne vient pas que de moi mais de plus grand que moi.

Voici des exemples d’affirmations qui émanent de cette autorité intérieure:
“Voilà ce qui s’impose”, “Ce n'est pas que je souhaite faire cela... Je ne peux pas ne pas le faire.” Combien de fois en rencontres ou en conférences, nous exprimons une idée que nous n'avions jamais réfléchie auparavant. Elle nous apparaît comme ça, comme venue d’ailleurs. Notre sage amie Marie-Claire Séguin, qui a tellement toujours le regard juste, la parole juste, le geste juste, dit simplement: “Ça sait” ... Plutôt que “je sais”. Étant connectée à toutes ses intelligences et présente dans l'instant, la bonne posture lui apparaît... Et elle s'incline devant elle avec docilité.

L’autorité extérieure s'enracinant dans les lois, les règles, la justice, le moi inc., est aussi enracinée dans l'égo, mobilisé lui-même par des espoirs et des peurs. L'autorité intérieure m'apparaît plutôt s'enraciner dans l'amour inconditionnel et la bonté fondamentale. L’Amour avec un grand A qui nous dépasse. Pour méditer sur cette idée, rappelez-vous, nous avons contemplé un tableau de Rembrandt: Le retour du fils prodigue, dont le message ultime est l’amour inconditionnel du père - un amour auquel nous sommes tous conviés. Nous poursuivrons la découverte de cette autorité qui nous dépasse en apprenant à écouter, à écouter et à écouter encore...

Rémi