Si l’amour était si simple à conjuguer, je n’aurais pas eu besoin de remplacer l’encre de mon crayon par de l’humilité ou de la sensibilité et, surtout, je n'aurais pas eu le courage d’honorer, dans ce texte, les quelques découvertes et explorations que nous avons faites avec les leaders de la Maison. L’intention n’est surtout pas de conceptualiser le mot portant l’un des plus grands mystères de la vie, mais de le rendre un peu plus visible, en nous, entre nous et, peut-être, de le ramener au coeur (sans faire de mauvais jeux de mots) de nos organisations.

C’est donc après avoir visité la porte d’accès des addictions que nous sommes entrés dans ce magnifique neuvième sous-thème qu'est celui de l'amour.

Bien que nous cohabitions avec lui au quotidien, nous avons réalisé que l’amour demeure un sujet vertigineux et bouleversant. Si bien qu’il peut être, l’instant d’un texte, un thème en soi.

Il y a quelques années, nous avions déjà effleuré le sujet avec notre Ami Jean Proulx. Il nous avait alors parlé d’amour véritable et proposé une réflexion sur cet amour portant quatre formes, soit l’amour désintéressé, l’amour inconditionnel, l'amour qui permet d’être et l’amour universel.

Quel sujet d’éternité! Comment mettre en mots des émotions, des vibrations, de la puissance parfois féconde et d’autres fois le manque éveillant davantage la souffrance, même la misère de vivre chez plusieurs êtres humains?

Ce thème de l’amour en est tout un!

Je ne sais pas si je suis plus mélangé après nos rencontres, mais j'ai le sentiment que mon cœur est plus spacieux, plus inclusif et, je l'espère, encore plus conscient.

Pour cette exploration, nous avons approché le Dr Serge Marquis, qui a eu un magnifique dialogue avec notre collègue Nicole Ollivier PHD, et aussi Eric Le Reste, journaliste-réalisateur et yogiste depuis plusieurs décennies, avec qui nos leaders ont eu la joie de s'entretenir lors de notre quatrième rencontre de codéveloppement de la saison.

Avec une présence aimante, ceux-ci nous ont partagé les fruits de leurs propres explorations et de leur vécu sur le sujet de l’amour et de ses différentes manifestations dans leur vie.

C’est justement l’élément central du message de Serge : la présence. Pour lui, offrir notre présence à l’autre, notre pleine présence, c'est synonyme d’amour.

Je nous invite à une pause. Respirer en visualisant l’amour… une fois, deux fois, trois fois...

Déposons maintenant quelques questions pour cultiver la conscience de notre cœur. Allons-y franchement :

  • Quelle est ma qualité de présence? Quelle est sa principale manifestation? Quel est son mode d’expression? Son mode d’absence? De retrait?

Allons un peu plus loin...

  • Qu’est-ce qui m’empêche d’être pleinement présent? Quelles sont mes intranquillités, mes peurs, mes attentes, mes pensées?
  • Avec qui mon cœur à tendance à se fermer? À l’inverse, avec qui ai-je la sensation qu’il s’agrandit?
  • Que révèlent en moi ces états de fermeture ou d’ouverture? Quels sont leurs impacts?

Ouf! Prenons une autre pause. Respirons un peu, avec tendresse et affection, pour accueillir nos découvertes quelles qu'elles soient.

Lors de nos dialogues, nous avons pris conscience que l’exploration faisait naître beaucoup de questions qui demeurent sans réponses… Il est bien de laisser exister le mystère, car tenter d’y répondre rapidement inviterait davantage le parfum de la tyrannie plutôt que celui de la douceur et de la lenteur, si précieux à la tendresse.

Eric a d’ailleurs commencé la rencontre avec les leaders de Québec en citant un extrait d'un des monologues de Sol (le défunt Marc Favreau) : « Dieu nous a dit d’aimer notre prochain… Mais mon troisième voisin, est-ce encore mon prochain... ou mon lointain? C’est pas clair… »

Et c’est un peu ce que nous avons réalisé tout au long de nos explorations, autant nous côtoyons et vivons l’amour, autant c'est pas si clair que ça!

Lorsque que nous commençons à être curieux, il est très tentant de s’accrocher à une définition et il est très alléchant pour l’égo de se dire : « C’est bon, je sais de quoi on parle, on peut passer à un autre sujet maintenant. Car parler d’amour, c’est aussi faire face à nos manques, à nos besoins, à nos gestes… Parler d’amour, c’est aller à la rencontre de soi, de sa vie, de ses capacités et incapacités.

Ça serait plus simple si on se promenait tous avec un « amouromètre »; cet outil qui calcule combien j’ai d’amour, combien je suis en mesure d'en donner ou d'en recevoir, et qui calcule aussi mes manques, mes carences, mes débordements…

Auriez-vous l’audace de parler d’amour avec vos équipes ou, plus encore, de mettre l’amour comme valeur dans votre organisation? Le mari d’une leader lui a justement posé les questions suivantes :

Qu’est-ce que ça va me donner de parler d’amour dans mon entreprise? Pourquoi un leader devrait autant s’intéresser à ce sujet?

C’est peut-être ce que nous découvrirons dans les prochaines lignes…

Ce que nous avons découvert dans nos échanges, c’est que la plupart des leaders de notre communauté sont de très grands donneurs d’amour. Ils ont une grande capacité à le manifester, mais le mouvement de recevoir est une toute autre histoire.

Cathy, une des leaders de la Maison, nous a partagé une expérience récente qu'elle a vécu au Monastère des Augustines, lieu où la Maison trouvera refuge à Québec. On y offre un massage appelé « Signature ». Ce soin unique concentrant les savoirs médicaux ayurvédiques conjugués à ceux des Augustines est, selon Cathy, une ode à la dignité et à l'abandon plutôt qu'au don. Durant cette pause du cœur, le ou la thérapeute offre à même le rituel du massage une vibration d’amour si sublime et véritable qu’elle ne peut pas être refusée. Elle transperce et bouleverse l’entièreté de l’être qui accepte de recevoir. L’intention d’amour sincère et gratuit semble plus forte que toutes les murailles qui voudraient tenter d’y résister. Elle porte la puissance de transformer.

« Ce moment a été bouleversant, car je ressentais la vérité, la vulnérabilité, la sincérité et l’authenticité de ce moment suspendu. Être touché par l’amour, c’est comme lorsque cupidon te lance une flèche, boom, il est trop tard! »

Recevoir un amour pur et véritable, ce n'est pas si facile.

Ce qui fait un bel écho à ce que Jean Proulx nous partage lorsqu’il parle des deux visages éternels de l’amour que sont l’accueil (recevoir) et le don (offrir avec gratuité) — sans attacher d’élastique sur notre geste, notre regard.

Christian, un de nos leaders dans notre groupe de codéveloppement international, nous partageait que pour lui, on peut rencontrer une partie de nous qui croit parfois qu’elle ne mérite pas cet amour véritable — comme si nous n’étions pas dignes d’amour. Cela rejoint un moment d’une grande intensité que nous avons vécu avec notre Ami le Père Yves lorsqu’il partageait à un groupe de leaders en retraite à Saint-Jean-de-Matha qu’il n’y avait rien à faire pour mériter l’amour… Qu’on était tous aimés inconditionnellement.

Ouf! vous dire combien les leaders avaient de la difficulté à accueillir (recevoir) ce principe. L’égo en fait beaucoup pour être aimé. Il bascule dans l’action (le faire) et se forge trop souvent aux « mérites »...

Donc, de se faire dire : « Tu es aimé profondément et inconditionnellement sans avoir à faire quoi que ce soit, eh bien! ça ébranle un peu (beaucoup).

De mon côté, ce pèlerinage sur l’amour m’a fait découvrir que j’avais des gestes aimants, une écoute aimante, mais que lorsque je suis intranquille, insécure ou agité, eh bien! ma parole et mes mots, autant intérieurs qu’extérieurs, manquent d’amour.

Comme nous l’a partagé Dom André Barbeau, il est important d'unir notre coeur à nos lèvres… Je pourrais vous dire que c'est mon chantier intérieur actuel.

Dans cette même lignée, nos leaders partageaient qu’il est facile d'aimer ceux et celles qui sont aimables et qui nous apportent quelque chose (soit l’amour transactionnel), mais qu’il est difficile d'aimer ceux et celles qui sont haïssables et qui nous apportent rien.

Je vous partage une anecdote qui illustre bien ce propos...

Nous avons un nouvel arrivant dans mon voisinage. Il se promène avec un ghetto-blaster avec de la musique « dans le tapis », puis, il s’assoit dans le parc devant chez nous et il fume. La police se retrouve souvent dans la maison où il habite. Bref, chaque fois qu’il s’assoit dans le parc, il dérange, que dis-je?, il me dérange et sème le chaos en moi et chez les voisins…

Du vacarme, des odeurs de cigarette… Grrrr! sérénité, où es-tu?

Dimanche soir dernier, en le voyant marcher vers le parc, je sentais que mon coeur se fermait. Je suis donc allé à sa rencontre...

… 45 minutes plus tard, je suis reparti le coeur complètement ouvert! J’ai appris que Méso est quelqu'un qui vit avec le syndrome d'Asperger, que son papa est décédé et qu’il se faisait trimbaler d’une maison à l’autre sans avoir de racines ni de famille vraiment présente… et que la musique l’aidait énormément à rester focalisé et qu’elle camouflait les bruits. Il m’a regardé en souriant et en me partageant que les gens ne vont jamais vers lui à cause de sa différence. Méso est passé en quelques minutes de « personnes dérangeante espiègle » à « humain aimant et souffrant ». Je me voyais et me reconnaissait maintenant en lui.

Cette anecdote rejoint très bien les cinq principes dont Eric nous a parlé pour amener plus de « présence et d’amour » dans nos relations. Les voici :

  1. S’intéresser à l’autre — le découvrir;
  2. Poser la question suivante : « qu’est-ce que je peux faire-être pour toi aujourd’hui? »
  3. Identifier les qualités et vertus spéciales chez l'autre, les nommer et les affirmer dans mon regard sur l'autre;
  4. Injecter un dose de spiritualité dans ses relations;
  5. Éliminer les frontières en se rappelant qu’on appartient à la même famille.

Ces principes ne sont pas une recette infaillible et miraculeuse, mais ils offrent tout de même des pistes qui pourraient simplement nous aider, nous guider ou nous inspirer.

Eric nous proposait aussi une autre belle image ou réflexion pour regarder en dedans et nous visiter intérieurement...

Si mon coeur était dans un pot, quelle taille aurait ce pot? Et si je libérais complètement mon coeur et que je le sortais du pot, quelle taille aurait-il réellement?

… Cela vous parle?

Dans une de ses conférences, Eric va encore plus loin et passe du pot à la cage. Il utilise l’analogie de trois cages dans lesquelles nos cœurs pourraient être enfermés. Il indique qu’il y a la cage de soie, qui est douce et de petite dimension, car le cœur est petit, plutôt tourné vers soi. Ensuite, il parle de la cage de verre dans laquelle l’illusion de grandir est présente; un genre de limite, comme si le cœur ne sait pas qu’il peut aimer. Finalement, il y a la cage de pierre, telle une vraie prison, dure à casser, et dans laquelle il y a une grande perte d’espoir.

Est-ce que vous sentez que parfois votre coeur est prisonnier?

Il indique aussi que notre coeur peut être pris non pas dans une cage, mais dans du barbelé, et qu’il a de la difficulté à s'étendre…

Pour lui, si c’est le cas, un moment d’arrêt s’impose. Il dit avec humour : « C’est le temps de porter un T-shirt sur lequel c'est marqué « coeur en rénovation ».

Amener différemment, on pourrait se poser la question suivante :

  • À quel moment je sens mon coeur en santé et ouvert et à quel moment je le sens fermé et malade?

Pour nous aider à mettre encore un peu plus de clarté dans notre exploration, Eric nous a parlé des quatre niveaux du soi. Cela aide à comprendre les différentes couches que nous portons, telle des couches de vêtement ou des poupées russes.

  • Il y a tout d’abord le soi public. C'est celui qui a besoin de paraître, qui est conscient du soi dans le regard de l’autre.
  • Ensuite, vient le soi authentique. C'est celui que j’ose regarder avec transparence et vulnérabilité.
  • En troisième, il y a le soi mystique. C'est le subtil; celui qui incite à se dépasser.
  • Le noyau, c'est le soi magnétique. Il est connecté directement à la vie qui circule se dépouillant de toute identité. C'est le soi après lequel plus rien n'existe après le « je ».

Eric résume en disant que le soi magnétique, c'est le liant. Il lie les trois autres couches pour qu’elles soient égales, sans qu’une domine l’autre.

Il ajoute en riant : « Vous savez que « amour » et « amuse » ont la même racine, soit le mot âme? »

On ne peut donc pas parler d’amour sans toucher à la dimension spirituelle.

Ça y ait… je suis achevé!

Quand je vous disais que mon coeur était plus grand, mais que je repartais avec plus de questions... Eh bien, voilà!

Glissons doucement vers une conclusion, non pas du sujet, mais de cette courte exploration.

Un des éléments centraux qui remonte quant à l’amour, c'est cette découverte :

  • Trop souvent, on passe une bonne partie de notre vie à vouloir être aimé (le soi public), pris dans notre égo, plutôt que de mettre notre énergie et notre attention à aimer et à basculer dans la vie (telle l’image du gland de chêne dont nous parle Rémi)... et de nous tourner vers les autres niveaux du soi.

Rémi ajoute que la vraie et la plus importante job du leader, c’est d’aimer.

Dans nos partages et dialogues, certains leaders nous ont mentionné qu’ils disent littéralement à leurs équipes qu’ils les aiment. D’autres parlent de tendresse. Wow! que c’est bon et doux à entendre.

Pour certaines cultures et environnements, parler d’Amour représenterait peut-être un saut quantique! Et c’est ok.

Le but de notre exploration n’est pas de brusquer et d’accélérer la mise en place stratégique de l’amour dans une organisation.

L’invitation pour certain·e·s, c'est peut-être de voir où et comment cela vit en soi et quel serait le prochain pas dans une direction où parler d’amour est moins tabou et vu plutôt comme une racine implicite à la performance et au bien-être.

Une façon simple de commencer cette marche, c'est peut-être de prendre la question que Neal Donald Walsch pose : « Que ferait l'amour dans cette situation? »

Je m’en voudrais de ne pas faire un clin d’oeil à notre Amie Laure Waridel, présente dans les parcours de la Maison depuis plus de 10 ans, qui nous partage justement que selon elle, l’amour, c'est l’antidote principal à la crise climatique et environnementale.

L’amour comme antidote principal, et ce, pourquoi pas à toutes les formes de crises alors?

Cela me fait penser aux paroles de la magnifique chanson « Parlez-moi d'amour » :

Parlez-moi d'amour
Redites-moi des choses tendres
Votre beau discours
Mon cœur n'est pas las de l'entendre
Pourvu que toujours
Vous répétiez ces mots suprêmes
Je vous aime

Nous vous souhaitons une belle suite dans cette exploration, sans destination précise, mais avec le coeur ouvert… et votre « amouromètre » bien rempli!