Quoi de plus puissant pour nous enraciner dans notre vraie nature que de nous connecter à la nature, à la terre maman, à la vie... mais un effort de réconciliation s’impose.
Trop longtemps l’homme s'est perçu comme étant séparé de la nature, comme étant supérieur à elle. Dans la Genèse, il est écrit :
« Dieu les bénit (Adam et Ève) en leur disant : Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la; soumettez les poissons dans la mer, les oiseaux dans le ciel et tous les animaux qui se meuvent sur la terre. » (Gn 1,28)
Voilà ce que nous avons fait jusqu’ici! Étant séparé de la Terre, nous nous sommes servis pour conquérir et pour notre bon plaisir.
Et si c’était un malentendu?
Si, en revisitant les mots « dominer » et « soumettre », on y trouvait une autre signification?
La signification du mot hébreu « kabash » est dominer, mais il peut aussi vouloir dire
« enlever les obstacles pour vivre paisiblement ». Ce verbe décrit aussi la responsabilité du roi envers les nations qu’il domine. La fonction du roi décrite dans la Bible demande une attitude de service et de respect des autres.
Le verbe « radah » (soumettre) peut se traduire en anglais par steward, qui signifie gardien. Selon Dieu, nous serions donc appelés à devenir les gardiens de la création.
Voilà qui recadre déjà notre responsabilité. Ça nous aide à comprendre d'où vient, entre autres, notre dérapage et ça nous propose un réalignement de notre chemin dans notre relation à la nature.
Il reste, par ailleurs, un souci. Dans l'une ou l'autre des visions, l'homme est prétendument séparé de la nature. Il y a nous, les êtres humains, et il y a la nature. Le bouddhisme, pour sa part, ajoute un élément; celui de l'interdépendance de tous les éléments. Dans cette perspective, on envisage que prendre soin de la nature, c'est prendre soin de nous et vice versa.
On avance!
Et si nous étions la nature? Si nous étions la vie qui circule à travers nous, les plantes, les animaux, les rivières? Quelle relation émergerait de ce constat? Quelle harmonie nouvelle apparaîtrait?
C'est dans un dialogue empreint de douceur et d'amour que nous avons exploré cette idée avec nos amis des Premières Nations Marie-Josée (Kokom) et T8aminik (Choumis); des amis de longue date de la Maison.
On vous partage ici quelques enseignements dont les leaders de la communauté et nous avons bénéficié lors de nos rencontres avec eux.
La nature nous ramène à l'essentiel, à notre essence, à notre vraie nature. S'y connecter nous aide à retrouver un rythme plus naturel comparativement à la vitesse qu'on s'impose. Le rythme des saisons, des journées, de l'évolution naturelle des plantes, des animaux… de notre propre évolution. La nature se déploie sans effort. Elle advient, comme le gland qui devient un chêne en honorant ce qu'il y a dans son noyau. Sa seule responsabilité, après avoir solidement protégé son essence, c’est de laisser se fendre son enveloppe pour laisser y pénétrer la vie. Le reste adviendra selon les conditions extérieures en présence.
Nous connecter à la nature nous invite à respecter toutes vies et à honorer notre condition d'être sensible, d'être humain, de vivant. Elle nous ramène à une vie organique et nous convie à quitter la vie mécanique qu'on s'est construite. Nous ne sommes pas des machines et nos organisations profiteraient à être plus organiques.
Nos amis nous enseignent que la nature est un miroir de nous-même, que ce que nous voyons nous parle de nous. Elle est donc un thérapeute.
Leur connexion avec la nature insuffle à nos amis la gratitude. Ils remercient la nature généreuse chaque matin dès leur lever, et ils continuent de dire merci pendant toute la journée.
Au réveil, ils se posent la question suivante :
« Est-ce que la joie m'habite en ce moment? » Comme la joie est toujours présente, ne serait-ce que celle d'être en vie, si elle ne m'habite pas je peux réfléchir à ce qui me pèse, m'emprisonne...
« La joie est la mesure de ma liberté », nous partage T8aminik.
Il nous parle aussi de leadership. Pour être reconnu comme chef ou leader spirituel, la personne doit être un homme ou une femme médecine, ce qui signifie qu'elle connaît et comprend la nature (c.-à-d. les plantes, les animaux, les humains). Cela signifie aussi qu'elle a traversé les étapes intérieures de sa propre croissance personnelle.
La noblesse de la nature les amène aussi à s'incliner devant elle, devant ce qui se présente dans leur vie. Accepter ce qui est les apaise. Marie-Josée nous explique que lorsque nous résistons, nous nous agitons. On veut comprendre pourquoi les choses arrivent comme elles arrivent, on cherche les causes et les coupables et on s'égare. Elle nous propose alors de plonger à l'intérieur de nous dans notre rivière profonde... de quitter le tourbillon des pensées pour retrouver le calme, la paix.
« Donne-toi tout et nourris-toi pour être en mesure de donner à ton tour. »
Ils nous partagent avec émotion et des gouttes de silence leur expérience de l'amour :
« Quand nous sommes dans la forêt, nous ressentons tout l'amour qui se dégage de la nature; c'est tellement bon. »
Et c'est ce sentiment si bon de se sentir aimés inconditionnellement qui nous donne l'élan d'aimer à notre tour. Ils m'ont rappelé un souvenir touchant. Alors que je cherchais une carte à offrir parmi la panoplie de cartes que ma mère gardait en réserve, j'ai été happé par l'une d'elle. Sous une belle photo de forêt, il était écrit ceci :
« Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois, je sens quelqu'un qui m'écoute et qui m'aime. »
Je devais avoir sept ans, et je n'ai jamais oublié ces mots. Grâce à nos amis, je les revisite autrement avec beaucoup d'émotions.
Et si nature, amour et autorité intérieure étaient synonymes?