Introduction écrite par Rémi Tremblay

En explorant la tendresse, il nous est apparu incontournable d’oser visiter son opposé : la violence. Cette violence parfois brutale, parfois subtile, circonstancielle ou systémique... et combien inconsciente !

Eh bien, le temps nous semble venu de lever le voile, doucement et avec tendresse, sur les formes de violences présentes dans nos vies, car on observe trop souvent la loi du silence.

Une de nos premières prises de conscience a été que violence et tendresse viennent de la même place... Allons-y ! découvrons ensemble.

Tout d’abord, j’aimerais dire un grand merci à nos leaders pour leur confiance et leur courage à oser aller de l’avant avec le thème de la violence. Je crois que nous avons beaucoup gagné en maturité comme communauté. De plus, mentionnons que cette énergie est présente dans tous nos milieux de vie (entre autres, dans nos organisations et dans nos familles) et qu’elle cause beaucoup de dégâts.

Êtes-vous d’accord qu’on ne part pas en exploration sans un bon guide ? C’est pourquoi nous avons demandé à Hubert Makwanda, un de nos Amis de la première heure, de nous accompagner dans cette aventure qui nous paraissait périlleuse et émotive. Sa sagesse, son écoute et ses réflexions nous ont grandement éclairés.

Je cède la plume à Hubert pour la suite...

Mettons la table doucement...

Il existe trois catégories de violences. Elles peuvent être auto-infligées, interpersonnelles ou collectives (sociale, politique, etc.). Et la violence peut se présenter sous cinq formes :

  • psychologique ;
  • verbale ;
  • économique ;
  • physique ;
  • sexuelle.

Précisons d’abord que, dans le présent article, nous aborderons principalement les violences auto-infligées et interpersonnelles.

Tout comme l’étymologie de l’adjectif violent et du verbe violer, celle du mot « violence » dérive du latin « vis », qui signifie « force en action, force exercée contre quelqu’un ». Bien que toute forme de violence trouve sa source dans la souffrance et la peur, celle-ci dénature la personne qui la subit et la personne qui l’inflige, et ce, parce qu’elle déshumanise à la fois le bourreau et la victime.

En octobre 2002, l’Organisation mondiale de la santé a publié un rapport mondial sur la violence et la santé. Il s’agit de la toute première étude portant sur l’ensemble des aspects de la violence au niveau mondial. Voici sa définition du mot « violence » :

La violence est l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès.

La question se pose, y a-t-il un beau côté à la violence ?

Restons curieux... même si, à ce stade, c’est difficile de le croire.

Les sources subtiles et subjectives de la violence

La violence est une notion ambiguë et paradoxale parce qu’elle suggère à la fois l’idée de la puissance (force excessive et destructrice) et le désir d’établir ou de rétablir son identité lorsqu’elle nous paraît menacée, à tort ou à raison. Ainsi, la violence est une dualité qui implique à la fois la force de vie et de mort. Tout comme les Grecs trouvaient indissociables les concepts d’Eris (la discorde) et d’Éros (l’union de ce qui est différent).

Par exemple, le corps humain fabrique des anticorps qui usent de violence pour combattre un virus ou une infection afin que la personne malade guérisse. Mahatma Gandhi a fait deux grèves de la faim comme violence auto-infligée pour réclamer la libération du peuple indien sous l’emprise de l’administration britannique.

Chaque être humain porte en lui l’énergie de la violence, qui est à la fois source de vie et de destruction. En effet, au-delà des dégâts qu’elle peut produire, la violence peut être l’expression du désespoir pour tenter de se libérer.

Ainsi, quelqu’un en situation de vulnérabilité dont la vie est menacée par une personne qui l’agresse pourrait se défendre en recourant aussi à la violence. Il pourrait s’agir, par exemple, d’une personne qui frappe son conjoint par accès de colère ou d’un patron qui abuse de son pouvoir sur un subalterne.

D’une façon ou d’une autre, la violence auto-infligée ou interpersonnelle, c’est l’ex- pression d’un besoin inassouvi qui se trans- forme en peur ou en insécurité. Elle est perçue par la personne qui en fait usage comme la seule solution possible, car son esprit est temporairement aveuglé par l’in- sécurité et la peur, et ce, qu’elles soient réelles ou imaginaires.

« La violence et la tendresse sont comme deux sœurs jumelles. »

Comment canaliser positivement l’énergie de la violence ?

Contrairement à ce que l’on peut penser ou croire, les violences auto-infligées et interpersonnelles trouvent leur source à l’intérieur de soi. Ce qui vient de l’extérieur, c’est un déclencheur de détresse qui trouve sa source dans les peurs qui se sont inscrites en nous au cours de notre vie, et ce, depuis notre naissance. Il s’agit d’une énergie vitale qui peut servir soit à détruire ou à sauver. Elle peut exprimer l’amour ou la haine. En ce sens, la violence et la tendresse sont comme deux sœurs jumelles entretenant une relation fraternelle.

La différence entre les deux, c’est que la tendresse est une énergie qui est canalisée alors que la violence est une énergie mobile à l’état brut qu’on doit apprendre à canaliser pour la rendre féconde.

Nous avons découvert un principe en cinq étapes qui aide à rendre la violence féconde. Le voici :

  1. Reconnaître la violence – Nous devons nous avouer que celle-ci nous habite. Il n’y a pas les tendres d’un côté et les violents de l’autre. Nous sommes tous violence et tendresse.
  2. Accueillir la violence – Nous devons lui offrir l’hospitalité comme le font les hôtesses et les hôtes.
  3. Se réconcilier avec la violence – Nous devons la laisser nous traverser et l’apprivoiser comme s’il s’agissait d’une bête sauvage.
  4. Canaliser la violence – Nous devons transformer cette force vitale en énergie créatrice ou protectrice, plutôt que de la laisser se répandre et détruire.
  5. Honorer la violence – Nous devons célébrer sa présence en nous et voir son utilité.

Curieusement, ce sont aussi ces cinq étapes qui nous guident vers plus de tendresse.

Poursuivons...

Pour faire la paix avec la violence, il faut sortir de la dualité (violence versus tendresse) et aller au-delà, vers la réconciliation. Nos peurs et nos insécurités, qui constituent les germes de la violence présente en chacun de nous, proviennent de dynamiques relationnelles. Leur guérison passe aussi par la rencontre de l’Éros en nous avec l’aide d’une tierce personne pour nous aider à apprivoiser ces bêtes sauvages intérieures et être capables de transformer l’énergie résiduelle et destructrice de la violence en énergie créative et productive. En bref, apprivoiser la violence en nous, c’est apprendre à devenir plus libres.

Comme disait Nelson Mandela (1918-2013) : « Être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. Et pour faire la paix avec un ennemi, on doit travailler avec cet ennemi, et cet ennemi devient votre associé. »

Pour se réconcilier avec la violence en soi

L’invitation de Peter Koenig est une belle piste pour y parvenir. Il propose de répéter ces phrases jusqu’à ce que nous ressentions l’énergie dans notre ventre, qui est le centre du confort : « Je suis violent-e, et

« Apprivoiser la violence en nous, c’est apprendre à devenir plus libre. »

c’est ok ! Je suis violent-e, et c’est bon. » Ouf ! ce n’est pas simple...

Écoutez ce que ces phrases font vibrer en vous. Comment cela résonne-t-il ? Restez curieux, et surtout ne basculez pas dans la culpabilité. Restez ouverts et non rigides à ce qui se manifestera. Pour bien canaliser la violence, il est important d’en parler, de lui faire une place afin de la dévoiler... et de la regarder... de façon consciente.

Cela fait cliché, mais la violence n’aime pas la lumière. Au contraire, elle se nourrit dans l’ombre, la noirceur. De plus, étant une énergie d’action, elle n’aime pas les délais. N’est-ce pas là une belle invitation à ralentir, à semer encore plus de gratitude et à faire de la lumière de contrebande, comme le dit notre ami Alexandre Poulin.

À la Maison des leaders, nous mentionnons souvent que nous sommes des explora- teurs et nous voyons que nous sommes plutôt dans un travail de réconciliation que de croissance (ou décroissance) person- nelle. C’est pourquoi nous croyons qu’en nous réconciliant avec ces sœurs jumelles, nous trouverons dans chaque instant la justesse entre violence et tendresse pour notre bien et pour celui des autres.

Prenons soin de la vie, ensemble, pour retrouver cet équilibre perdu...