ÉTAPE 1 - LOCALISER

Que localisons-nous? La sensation.

Une émotion forte - comme la colère, la frustration, la tristesse - surgit en nous. Parfois, elle est si forte que nous ne remarquons même pas ce qui se passe. L'intensité nous submerge comme un petit bateau emporté par un fort courant. Dans la pratique du repos en compassion, nous essayons de remarquer ce qui se produit dès que l'émotion surgit. Nous pouvons nous dire à nous-mêmes: Oh, j'éprouve maintenant une forte émotion. C'est le temps de pratiquer le repos en compassion.

À cet instant, nous faisons de notre mieux pour nous relier à l'émotion directement. Nous tentons de localiser la sensation. Que veut-on dire par la sensation de l'émotion? Souvent, il y a une sensation physique dans notre corps. Parfois, elle est très vive, comme un nœud dans l'estomac, ou une pression au niveau de la poitrine. À d'autres moments, elle est plus vague, comme un nuage qui nous entoure. A ce moment, nous tentons de localiser ces sensations -- dans notre poitrine, notre ventre, notre coeur, notre tête. Que pouvons-nous dire de cette sensation? Est-elle chaude, froide, ressemble-t-elle à un coup de poignard? Est-ce que je me sens engourdie?

Souvent, nous sommes en plein milieu d'une dispute, au téléphone, ou nous sommes simplement sous l'emprise d'un flot de pensées. Essayer de localiser la sensation dans le corps peut alors apparaître comme une tentative "d'éviter le sujet" mais, en fait, nous plongeons profondément dans la puissante énergie qui a surgi en notre être. Cette première étape est une façon de nous ouvrir sur-le-champ alors que notre tendance habituelle consisterait plutôt à nous fermer.

ÉTAPE 2 EMBRASSER

Qu'embrassons-nous ? La sensation.

Nous reposons notre esprit dans la sensation que nous avons localisée. Nous faisons plus que la noter. Nous l'embrassons. Nous pouvons imaginer la sensation (par exemple, le frisson de la peur) comme si c'était un petit enfant. (Ce pourrait être notre enfant. Notre petit moi). Nous imaginons que nous embrassons cette petite personne et que nous la tenons contre nous, comme si nous voulions la protéger de notre chaleur.

Une façon de maintenir cette expérience consiste à inspirer avec le sentiment que nous ressentons encore plus intensément la sensation en nous-mêmes. À l'inspir, nous imaginons que nous nous rapprochons de la sensation elle-même. À la fin de l'inspir, nous expirons et nous faisons alors de notre mieux pour relaxer. Nous n'expirons pas la sensation et n'essayons pas de la chasser au loin. Nous embrassons toujours la sensation à chaque respiration.

Le type de sensation n'a pas d'importance. Elle peut être parfaitement désagréable et douloureuse. L'idée c'est de localiser la sensation et de demeurer avec elle. Ce qui rend cette pratique difficile, c'est que la plupart du temps, nous sommes complètement occupés par un dialogue interne très intense, ce qui nous amène à la troisième étape.


ÉTAPE 3 - ARRÊTER

Qu'arrêtons-nous? Nous faisons de notre mieux pour interrompre les pensées.

Durant cette expérience d'embrasser la sensation aussi complètement que possible, nous remarquons la présence de diverses activités mentales. Nous avons l'habitude d'entretenir une conversation intérieure lorsque nous sommes aux prises avec de fortes émotions. Si nous ressentons de la colère ou du désespoir, nous nourrissons la colère ou le désespoir avec ce dialogue interne.

Parfois, nos pensées sont le discours que nous voudrions tenir à la personne qui nous a blessé, que nous blâmons, ou que nous aimerions engueuler. De la même manière, si nous sommes fortement attachés à quelque chose ou quelqu'un, nous nourrissons cet attachement avec notre rengaine ou notre scénario intérieur.

Dans cette pratique, nous essayons quelque chose de différent. L'instruction consiste à arrêter consciemment et gentiment le discours intérieur et à simplement reposer avec la sensation intense, sans aucun mot.

C'est comme la fameuse instruction en méditation tibétaine qui conseille de frapper le cochon sur le museau. C'est différent de la pratique de shamatha dans laquelle on note et on étiquette les pensées. Ici, nous mettons littéralement fin à notre dialogue intérieur. Dès que nous commençons à ajouter des mots à l'expérience, nous nous disons d'arrêter. Nous retournons à l'intense sensation de douleur que nous ressentons et nous y reposons notre esprit totalement.

Parfois, nous ne pouvons le faire que pour de brèves périodes. C'est bien. Nous continuons simplement à noter les pensées à chaque fois que c'est possible, puis nous revenons à la sensation des émotions sous les mots. Nous faisons cela avec beaucoup de douceur et de gentillesse envers nous-mêmes.

Dès que nous remarquons que nous ajoutons des mots à notre expérience, nous lâchons prise gentiment des mots et nous revenons à la sensation pour y reposer totalement. C'est une expérience du "senti" plutôt qu'une expérience mentale.

Dans mon expérience, cette pratique demande de l'énergie. Nous revenons encore et encore à la sensation et nous lâchons prise du babillage intérieur. Dans les moments où nous sommes capables de le faire, même pour une seconde ou deux, nous ressentons l'énergie directement. Parfois, cela ressemble à une incroyable réaction chimique. Il se peut que nous ayons envie de nous enfuir, ce qui nous amène à l'étape suivante.


ÉTAPE 4 - RESTER

Avec quoi demeurons-nous? Nous demeurons avec l'expérience directe de la sensation.

Nous revenons à l'intensité de la sensation du mieux que nous pouvons. Encore et encore, nous nous rappelons de mettre fin à notre bavardage intérieur et de simplement rester avec la sensation. Nous pouvons utiliser la respiration pour nous aider à faire cela. Lorsque nous inspirons, nous embrassons la sensation. Lorsque nous expirons, nous demeurons simplement avec la sensation.

Combien de temps demeurons-nous? Il est préférable d'utiliser notre intelligence naturelle. Parfois, nous ne pouvons faire cette pratique que pour une très courte période de temps. Parfois, c'est trop douloureux et il est inutile de se forcer. À d'autres moments, nous nous éloignons de l'expérience et nous devenons un peu somnolent. Enfin, il arrive que nous puissions chevaucher cette intense énergie émotionnelle. Nous ne la réprimons pas mais ne l'exprimons pas non plus. Nous sommes en mesure de demeurer avec cette sensation jusqu'à ce qu'elle se dissolve et qu'autre chose surgisse dans notre esprit.